Ces 100 mesures toujours en vigueur
2012, Armand Colin, Paris, ISBN10: 2200275129
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Rezension / Compte rendu:
Héritage allemand
Des lois françaises édictées pendant l’Occupation
L’auteur, qui est philosophe et germaniste de formation, rappelle dans cet inventaire que 16 786 lois et décrets ont été promulgués entre 1940 et 1944, puis déclarés pour la plupart nuls et attentatoires aux libertés publiques, et par conséquent « envoyés aux poubelles de l’Histoire ». Mais pas moins de 68 mesures et quelques habitudes prises pendant l’Occupation allemande ont survécu au régime de Pétain, notamment des mesures sociales, mais aussi des initiatives que l’on pourrait croire d’une actualité plus récente : « protection du consommateur grâce aux normes Afnor, encadrement de l’urbanisme préservant d’une construction anarchique, principe de précaution sanitaire avec la mise en place des protocoles de mise sur le marché des médicaments ».
De nombreuses lois portent une empreinte allemande, elles sont même parfois la traduction littérale de dispositions légales en vigueur pendant
le Troisième Reich, comme le droit bancaire ou ce-lui des sociétés, mais aussi l’organisation des musées nationaux et le statut de l’archéologie.
Avec l’arrivée des Allemands le 14 juin 1940, la France vit « à l’heure allemande » et l’un des premiers signes de ce changement, outre bien sûr la présence de soldats, est visible dans les rues à plus d’un titre : les panneaux français d’avertissement ou d’interdiction sont remplacés par des panneaux en allemand et les pendules sont mises « à l’heure de Berlin ». L’idée n’est pas nouvelle, puisque l’heure d’été avait été brièvement instaurée en 1915 en Allemagne et en 1917 en France – et redécouverte en 1976 par Valéry Giscard d’Estaing, alors que l’Allemagne fédérale hésitait encore à afficher une autre heure que celle de l’Allemagne de l’Est.
La télévision française a elle aussi une histoire allemande : même si la France revendique la paternité de cette invention à René Barthélémy (1889-1954) en 1931, Télévision Paris (Fernsehsendung Paris) se développe à partir de septembre 1940 sous contrôle de l’Occupant, avec pour directeur le capitaine Kurt Hinzmann dans la rue Cognacq-Jay. Les émissions (en allemand) cessent à la Libération de Paris le 16 août 1944, et reprennent (en français) dix jours plus tard dans les mêmes locaux. Pour échapper au blocus américain qui empêchait la fabrication du Coca Cola en Allemagne, les Allemands inventent et exportent dans toute l’Europe occupée le Fanta (de Fantasie, l’imagination) et le Pamprel, version chimiquement modifiée d’un produit que les pharmaciens vendaient sous le nom de Pampryl. Il faudra attendre 1980 pour que l’acide bromacétique, utilisé jadis pour la conservation alimentaire allemande, soit considéré enfin comme un poison. Mais le mal est fait : la France découvre sans vraiment le savoir la chimie sur sa table. Evolution à comparer au succès des eaux minérales gazeuses en bouteilles (Vichy !), devenues une spécificité française, alors que contrairement aux Allemands les Français consommaient plutôt l’eau du robinet. Toujours dans le domaine alimentaire, la pâte à tartiner fromagère, chère aux Allemands, fait son apparition comme fromage fondu en France, avec « pour unique obligation d’être emballé sous papier aluminium » – comme les cubes de fromage servis aujourd’hui pendant l’apéritif.
Autre constatation faite par l’auteur dans son livre richement documenté : si la Cinémathèque française, créée sous le Front populaire, est aujourd’hui, avec plus de 40 000 films, la plus grande base de données cinématographiques au monde (comprenant notamment des films rarissimes du cinéma expressionniste allemand), c’est à la suite d’une coopération avec les archives du Reich (Reichsfilmarchiv), créées par Joseph Goebbels en 1934.
L’influence allemande se fait sentir jusque dans les rangs de la police nationale, réformée par le gouvernement de Vichy dès 1941 : pendant l’Occupation, note Cécile Desprairies, les policiers ont reçu la consigne de copier les gestes automatiques de leurs collègues allemands pour régler la circulation et « dans un esprit germanique, un décret attribue un orchestre de musique à la police nationale ». Moins anecdotique, l’auteur rappelle aussi que les accords passés alors entre le chef de la Gestapo en France et le secrétaire général de la police, René Bousquet, se concluent en 1942 par la rafle du Vel’d’hiv.
La classification des produits est également encore présente dans la vie quotidienne des Français. Le premier Comité des normes de l’industrie a été créé en 1917 en Allemagne et plus ou moins copié ensuite dans d’autres pays. En France, l’occupant soumettra les produits français aux normes « européennes » (donc allemandes), et les structures de l’Association française de normalisation (Afnor), fondée en 1941, resteront en vigueur jusqu’en 1984. En Allemagne, le Deutscher Normenausschuss (DNA) est devenu le Deutsches Institut für Normung (DIN), qui a donné notamment leur nom aux différents formats de papier, utilisés aujourd’hui. Dans le domaine sportif, le handball est le seul sport collectif qui n’est pas d’origine anglo-saxonne, c’est pourquoi le mot se prononce à l’allemande and-bal (sans le h aspiré propre à la langue allemande) et non and-bole. Sport de base de l’armée nazie, le handball, réservé jusqu’alors à quelques amateurs des régions frontalières, devient une pratique sportive nouvelle chez les Français pendant l’Occupation et entre même dans les programmes scolaires.
Le Journal officiel de l’Etat français reprend dès 1940 les articles du Journal officiel du Haut Commandement militaire allemand en France (Vobif), notamment le nouveau Code de la route imposé par l’occupant qui renonce à la signalisation écrite au bénéfice d’une signalisation symbolisée – le rectangle blanc sur fond rouge traduisant le sens interdit date de cette époque, tout comme le phare de brouillard imposé aux conducteurs.
Pendant la « drôle de guerre » en 1939, une mesure de protection de la population en cas de bombardement avait été prise pour améliorer le travail des pompiers, sous forme d’une sirène. L’année suivante, l’occupant place cette mesure sous son contrôle et annonce en 1941 que désormais le premier mercredi de chaque mois les sirènes retentiront. Aujourd’hui encore, chaque premier mercredi du mois, dans 4 500 villes, le bon fonctionnement de ces sirènes est vérifié par un retentissement en fa dièse, comme sous l’Occupation.
François Talcy
Die Gegenwart der Vergangenheit
Rund 100 Gesetze, Maßnahmen und Alltagsgewohnheiten, die während der Besatzung zwischen 1940 und 1944 von den Deutschen und der Vichy-Regierung in Frankreich eingeführt wurden, sind heute noch gültig, wie Cécile Desprairies in ihrem Buch L'héritage de Vichy (das Erbe von Vichy) ausführt – vom Verkehrszeichen bis zum Sirenenalarm.
Red.