La Reconstruction en Normandie et en Basse-Saxe

...après la seconde guerre mondiale : Histoire, mémoires et patrimoines de deux régions européennes

Autor/Hrsg Auteur/Editeur: Bouillot, Corinne (dir.)
2013, Presses universitaires de Rouen et du Havre, Mont-Saint-Aignan, ISBN10: 2877755754

Dieses Buch jetzt bei Amazon.de ansehen
Dieses Buch wurde rezensiert in der Ausgabe: Dokumente/Documents 4/2013 

Voir ce livre sur Amazon.fr
Ce livre a fait l'objet d'un compte rendu de lecture dans le numéro : Dokumente/Documents 4/2013 

Rezension / Compte rendu:
Destructions et reconstructions
Une étude comparative de deux régions européennes

Les partenariats culturels engagés depuis de longues années entre la Normandie et la Basse-Saxe, notamment le jumelage entre Rouen et Hanovre, scellé en 1996, sont à l'origine d'un colloque qui a eu lieu en octobre 2010 à l'université de Rouen, dont les travaux sont repris dans un épais ouvrage enrichi de nombreuses contributions.

Il s'agit du résultat des recherches collectives menées dans ces deux régions pour faire le point sur les efforts de reconstruction en Normandie et en Basse-Saxe. Les auteurs permettent d'analyser les choix architecturaux décidés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et l'importance accordée dans les deux régions à l'espace urbain. En 2008, une exposition avait déjà comparé le développement des deux cités jumelles. Une autre comparaison avait été faite par les experts entre la capitale de Basse-Saxe et Le Havre, cette dernière étant considérée par les spécialistes de l'urbanisme d'après-guerre comme un « laboratoire ». Les deux villes ont en commun que leur architecture moderne et fonctionnelle a été largement critiquée – certains parlant même de « Stalingrad/Mer » à propos du centre-ville du Havre, qui depuis le processus de patrimonialisation des années 1990 a cependant été inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco en 2005.
L’ouvrage franco-allemand (mais en français), réalisé sous la direction de Corinne Bouillot, maître de conférences en études germaniques à l'université de Rouen, distingue l'héritage architectural et urbanistique et met en relation plusieurs formes de patrimoine et de mise en patrimoine, ce qui permet des regards croisés entre les villes (par exemple Caen et Osnabrück en plus de Rouen, Le Havre et Hanovre) qui ont souffert des bombardements dévastateurs avant de renaître de leurs cendres.
A Hanovre, après douze années de tutelle idéologique sous le Troisième Reich, 88 bombardements alliés, 7 000 morts brûlés, asphyxiés ou écrasés par les effondrements, une personnalité, maintes fois citée dans les nombreux chapitres de l'ouvrage, domine dans la recherche d'un nouveau départ démocratique, alors que la moitié des 147 000 logements a été anéanti (90 % même dans la vieille ville) et que seuls 33 bâtiments historiques à colombage sur 1 600 sont restés intacts : c'est Rudolf Hillebrecht, choisi en 1948 pour reconstruire la ville. Plus jeune urbaniste en chef allemand de l'après-guerre, il restera 27 ans à la tête du département d’urbanisme, jusqu'en 1975. Dans un premier temps, il élaborera un plan de reconstruction du centre-ville avec large participation des citoyens (du moins jusqu’en 1951) et aura droit en 1959, tant son travail sera connu et reconnu en Allemagne, à la couverture du magazine Der Spiegel, qui écrira : « Le miracle transforma l’ancienne ville de province qui végétait dans sa pesanteur conventionnelle en lieu de pèlerinage pour architectes, ingénieurs des ponts et chaussées et délégations entières d’urbanistes venus d’Allemagne ou de l’étranger ».
Si la Normandie et la Basse-Saxe, et plus largement la France et l'Allemagne, ont été confrontées à un manque d’habitations et à une crise aiguë du logement au lendemain de la guerre, la situation dans les deux pays était cependant différente. Certes « les effets combinés des destructions, des mouvements de population et de la reprise démographique eurent des conséquences immédiates sur les reconstructions », notent les auteurs. Mais en France, la crise était ancienne, car peu de logements avaient été construits entre les deux guerres, « l'habitat populaire était plus que médiocre depuis la fin du 19e siècle », alors qu'en Allemagne, tant sous la République de Weimar que pendant le Troisième Reich, « les pouvoirs publics avaient été soucieux du logement des ouvriers et des employés ». Rouen, ville stratégique, cible des bombardements alliés pendant l'Occupation, a été dévastée en juin 1940, sa reconstruction a été engagée dès 1942 sur la base d'un décret de 1938 (!) prévu pour les abords de la cathédrale et respectant « le caractère des maisons rouennaises ou normandes bâties du 14e au 18e siècle en pans de bois ou en pierre ». Ce plan, modifié après les hostilités en 1947 pour un secteur sauvegardé défini seulement en 1964, a mis fin aux démolitions contestables et a été marqué plus par le pragmatisme que par un quelconque souci de néo-régionalisme. Les auteurs font remarquer qu’en France, la reconstruction n'a pas constitué « une doctrine homogène et monolithique », car « si une administration unique de la reconstruction et de l'urbanisme émerge progressivement, elle laisse toutefois localement une marge d’initiative certaine aux urbanistes et architectes en chef de la reconstruction ».

Le cas de la Basse-Saxe

Cas particulier pour l’Allemagne : sur les 18 millions d’Allemands vivant dans les provinces orientales du Reich et « Allemands de souche » (Volksdeutsche ) installés dans les territoires de peuplement germanophone dans l'Est, le Centre et le Sud-Est de l’Europe, 14 millions avaient fui vers l'Ouest, en grande partie vers la Basse-Saxe.
L’ouvrage fort documenté et riche des expériences et recherches des différents auteurs, aurait mérité une synthèse plus systématique, ne seraitce que pour éviter les multiples répétitions. Divers aspects du sujet sont abordés : la reconstruction bien sûr (titre du livre), mais aussi le travail des femmes (Trümmerfrauen) qui déblayaient les décombres en l'absence des hommes faits prisonniers ou morts au combat, la composition des logements.
Les regards lancés sur la presse d’après-guerre sont enrichissants. Pas de commentaires en Basse- Saxe, les Britanniques ayant interdit la publication de journaux dans leur zone d’occupation au lendemain de la capitulation allemande. En France par contre, les journalistes font preuve d'une sévère critique. Le quotidien Paris-Normandie invente même en 1949, à propos de Rouen, l'expression « lanterne rouge de la reconstruction », propos repris d'ailleurs au sommet de l’Etat : « Tant de temps a été perdu à tergiverser sur les plans qu'aucun immeuble n’est encore sorti de terre ».
Malgré tout, au-delà des destructions catastrophiques, d'aucuns n'ont pas hésité à parler d’« aubaine » pour les créateurs proches du mouvement moderne qui ont pu concrétiser leurs visions d’urbanistes. Mais il leur a fallu lutter sur plusieurs fronts : « construire durablement (technique, usage, style), de façon économique (habitat dense, industrialisé) et établir une pédagogie pour que les Français réévaluent le montant de leur loyer et cessent de considérer la barre de 10 % comme maximale, s'ils souhaitent bénéficier du confort moderne ».
François Talcy

Architektur und Urbanistik im Vergleich
Deutsch-französische Partnerschaften zwischen der Normandie und Niedersachsen und insbesondere die Städtepartnerschaft von Rouen und Hannover führten 2010 zu einem Kolloquium an der Universität Rouen, dessen Ergebnisse 2013 in Buchform erschienen sind, Thema: "Der Wiederaufbau in der Normandie und in Niedersachsen nach dem zweiten Weltkrieg“.
Red.

Dieses Buch jetzt bei Amazon.de ansehen
Voir ce livre sur Amazon.fr
La Reconstruction en Normandie et en Basse-Saxe