Ich bin ein Berliner

Berlin, Paris, Bonn: la voie d'un interprète

Autor/Hrsg Auteur/Editeur: Falkenburger, Paul
2006, Ed. Christian, ISBN10:

Dieses Buch wurde rezensiert in der Ausgabe: Documents 4/2006 
Ce livre a fait l'objet d'un compte rendu de lecture dans le numéro : Documents 4/2006 

Rezension / Compte rendu:
Deux témoignages hors du commun

Deux livres récents permettent de jeter un regard sur le passé, un regard subjectif qui traduit bien l'intensité du dévouement et de l'action des deux auteurs dans un contexte historique que les lecteurs connaissent généralement sous d'autres angles. Le premier a longtemps accompagné les Grands du franco-allemand, puisque Paul Falkenburger, né en 1923 à Berlin, émigré en France en 1932, naturalisé français cinq ans plus tard, aura été l'interprète de trois présidents français, cinq chanceliers allemands et leurs ministres des Affaires étrangères. Le second est né en 1913 à Heidelberg sous le nom de Heinrich Braunschweig, a émigré en 1933 vers la France où il acquiert la nationalité française en 1936 sous le nom de Henri Brunswic. Décédé en 2004, il laisse un témoignage sur les relations entre la France et l'Allemagne pendant la première moitié du 20e siècle. Grand humaniste, directeur d'une maison de retraite pour rescapés de la Shoah, responsable des publications de l'Association des médecins déportés et internés de la Résistance, vice-président de la Fédération des médecins du front, Henri Brunswic a également été fondateur et président de la Ligue internationale pour la promotion de l'éthique médicale. Dès lors, on comprend bien que les deux auteurs ont en commun d'avoir « quelque chose à dire », des observations, des expériences, des sentiments, qui s'inscrivent dans les chapitres d'une histoire vécue au plus près. Tous deux ont le sens du détail, traduit malencontreusement par l'extrême longueur du titre de leur ouvrage, mais même lorsque le détail est anodin, voire superflu, il a l'avantage d'humaniser le récit. Tous deux dressent une liste impressionnante de personnalités, présentées souvent comme les maillons d'une profonde amitié. Tous deux se retrouvent au centre d'une narration, où la modestie n'a que faire. De toute évidence, Paul Falkenburger et Henri Brunswic sont empreints de leur passé, mais si le premier préfère centrer sa mémoire sur son travail de traducteur pendant la 5e République, le second met l'accent sur les          « années brunes » et la vie des juifs pendant la guerre, arrêtant son récit en 1945. Le chapitre sur les années suivantes, reconstitué par la famille du Dr. Brunswic, reste fragmentaire et le lecteur regrettera de ne pas en apprendre plus sur un sujet aussi important que l'éthique médicale et l'histoire médicale du nazisme, sur lesquelles il a consacré diverses publications spécialisées jusqu'en 2002. Paul Falkenburger est certes plus « moderne », mais le lecteur regrettera de ne pas être mis dans le « secret des Dieux », moins au niveau politique que dans le domaine très complexe de la traduction. Il est évident qu'un interprète, en l'occurrence un ancien interprète, ne peut révéler des secrets d'Etat, les prises de positions, souvent fortes, de l'auteur, révèlent plus sa personnalité que les détails anecdotiques de présidents et de chanceliers. Paul Falkenburger ne cache pas ses déceptions : entre autre celle de ne pas avoir été reconnu à sa juste valeur (« Il paraît que je fus impressionnant », dit-il à propos de ses traductions en 1983) par Valéry Giscard d'Estaing, auquel il reproche sévèrement de parler l'anglais avec Helmut Schmidt. Mais aussi celle de se voir remplacé par une de ses anciennes élèves, Brigitte Sauzay, pour laquelle il n'a visiblement aucune sympathie. Et l'on ne sait trop, à la lecture de son récit, si le fait d'avoir été décoré de la Croix du Mérite fédéral comme Mireille Mathieu (« Elle me confia n'être allée à Bonn que pour recevoir cette distinction ») le flatte véritablement, tant il estime avoir joué, lui, un rôle essentiel dans le dialogue franco-allemand, par traductions interposées.
Jérôme Pascal

Ich bin ein Berliner