L'Amour des animaux dans le monde germanique 1760-2000

Autor/Hrsg Auteur/Editeur: Cluet, Marc
2006, Presses Universitaires de Rennes, ISBN10: 2753502536

Dieses Buch jetzt bei Amazon.de ansehen
Dieses Buch wurde rezensiert in der Ausgabe: Documents 1/2007 

Voir ce livre sur Amazon.fr
Ce livre a fait l'objet d'un compte rendu de lecture dans le numéro : Documents 1/2007 

Rezension / Compte rendu:
Un « chat-d'œuvre » pas bête du tout

Le livre commence par une affirmation : les Allemands portent un amour particulier aux animaux. Ils se considèrent même volontiers comme tierlieb, donc comme bienveillants envers les animaux. Mais Marc Cluet, le professeur en études germaniques qui a dirigé cet ouvrage, ajoute que celui qui aime les animaux est souvent suspect de misanthropie ou d'antihumanisme. Il fallait donc bien faire le point et corriger certaines idées reçues pour mieux définir cette tradition de l'amour des animaux qui de Kafka à Canetti n'a pas toujours été perçue. Les références littéraires, philosophiques et politiques sont nombreuses : des frères Grimm à Hitler en passant par Goethe et Herder sans oublier Richard Wagner et Immanuel Kant, ce sont 250 années de culture et de civilisation allemande qui sont ainsi passées en revue. Avec deux intentions déclarées : combattre deux préjugés bien vivaces aujourd'hui, celui selon lequel l'amour germanique des animaux aurait quelque chose de « pré-nazi » ou « post-nazi », sous prétexte que Hitler aimait son chien ; et celui selon lequel les juifs seraient insensibles aux animaux. L'Allemagne s'est lancée rapidement au XIXe siècle dans un débat contre la torture des animaux, suivant ainsi l'exemple de l'Angleterre, contre l'ancien droit germain qui considère que la vie de l'esclave et de l'animal sont la propriété de leur maître. Dans son « Manifeste du parti communiste » de 1847, Karl Marx montre que la protection animale fait une œuvre de moralisation sociale. Le premier projet incluant une protection de l'animal dans la juridiction du pays date de 1821, un texte qui s'inspire des idées anglaises, notamment en Saxe, patrie du Prince Albert de Saxe-Cobourg, l'époux de la reine Victoria. Par ailleurs, c'est en Allemagne que la résistance à la vivisection est la plus active d'Europe à cette époque. Une large part est faite à Goethe, connu non seulement pour son œuvre littéraire, mais aussi pour ses travaux anatomiques, au cours desquels il avait établi par exemple une similitude de l'os intermaxillaire de l'homme et des animaux, contre l'avis des anatomistes de l'époque qui entendaient perpétuer la différence entre l'ossature humaine et animale. Le détail peut paraître anecdotique, il correspond cependant à l'esprit de la fin du XVIIIe siècle, marqué par la passion nouvelle pour l'évolution du monde. Goethe était aussi un adepte de la chasse, avant de la réprouver et même de combattre cette chasse absolutiste, répandue en terre allemande depuis la Renaissance et qui permettait aux princes de monopoliser la chasse au gros gibier et de la transformer en autocélébration de leur pouvoir. Goethe le naturaliste avait trouvé la formule d'une nouvelle hiérarchie : l'arbre se distingue de la plante par sa longévité, l'animal de l'arbre par sa mobilité, l'homme de l'animal par la raison et le libre-arbitre. Les frères Grimm ont droit eux aussi à des analyses pointues sur la question. Il est vrai que les contes populaires se prêtent à l'évocation d'animaux, que ce soit les vrais animaux, les animaux surnaturels ou encore les êtres métamorphosés en animaux, ce que Jacob et Wilhelm Grimm interprètent comme les vestiges d'anciennes croyances païennes. De même, les animaux jouent un rôle de prédilection dans la pensée et la vie de Richard Wagner. Pour lui, les animaux avaient la fonction des enfants, qu'il se plaignait de ne pas avoir; il leur prête des sentiments humains et met même en scène des funérailles solennelles pour son chien dans un petit bois. Il affirmait éprouver moins de pitié envers les hommes qu'envers les animaux. Largement axé sur le passé, le collectif publié par les Presses Universitaires de Rennes n'en délaisse pas pour autant le présent. On y évoque notamment le « chat-d'œuvre » (« Le Canard enchaîné ») d'Akif Pirinçci intitulé « Felidae » (« Félidés » en français), élu en Allemagne meilleur roman policier de l'année 1990 et traduit dans une vingtaine de langues. L'auteur d'origine turque, arrivé en Allemagne à l'âge de 9 ans, est l'inventeur des « Katzenkrimis », les polars félin, dont le héros est le chat Francis, digne descendant du Char Murr de E.T.A. Hoffmann. Le lecteur regrettera peut-être l'absence de conclusion et une comparaison avec d'autres pays. Dans le chapitre sur l'animal dans l'art allemand on peut lire néanmoins : « ce qui apparaît distinguer les Allemands des autres, c'est l'attention qu'ils portent à certains modes de penser l'animalité. Plus que d'autres, ils ont été sensibles aux études menées en ethnologie et anthropologie sur la place de l'animal dans les cultures primitives ». Et de conclure : « l'attachement pour les animaux est, semble-t-il, porteur de doutes. Sous cette fascination affichée pour l'animal, c'est l'homme et les interrogations sur sa nature à la fin du XXe siècle qui surgissent ».
Gérard Foussier

Dieses Buch jetzt bei Amazon.de ansehen
Voir ce livre sur Amazon.fr
L'Amour des animaux dans le monde germanique 1760-2000