Héritage colonial

L'image du voisin - un thème bien connu pour lesanalystes en quête de différences et de divergences,un sujet de prédilection avec des résultatsrarement surprenants, tant Français et Allemandsont appris à se connaître, même lorsqu'ils ne secomprennent pas. Les images, d'aucuns diront lesclichés, sont autant de messages à décoder pourmieux comprendre ce qui distingue l'Allemagnede la France en général, les Allemands desFrançais en particulier. Images et messages sontles deux vecteurs principaux du dialogue francoallemand.L'un des objectifs des dossiers communs queDokumente et Documents proposent désormaisdans leurs éditions respectives est bien de montrerce qui rapproche mais aussi ce qui divise les deuxpays, dans un contexte de mondialisation et deconstruction européenne, où les velléités d'harmonisationmenacent parfois une précieuse diversitéculturelle. Lorsque les deux rédactions ontenvisagé ensemble de présenter un dossier surl'héritage colonial, c'était évidemment dans lecontexte d'une actualité française suivie avecétonnement dans les médias allemands. Il étaitdonc tout aussi évident que sous un même titreles deux revues présentent des facettes différentes,qui expliqueraient peut-être deux approches différentesde l'Histoire. A la fièvre d'un débat françaiscorrespond en effet une certaine indifférencede l'opinion publique allemande, sûrement dufait que le colonialisme allemand s'est achevé en1918 mais aussi que l'Histoire de l'Allemagne aconnu ensuite un chapitre beaucoup plus sombreque celle du lointain colonialisme. Pas questionnéanmoins de comparer l'incomparable, ni derelativiser un thème qui n'est pas d'actualité enAllemagne. Il mérite en effet d'être évoqué pourmieux comprendre les enjeux de la diplomatieeuropéenne à la fin du 19e siècle, les comportementsdes militaires qui ont succédé aux missionnaireset aux explorateurs, les agissements d'unenation qui venait de naître et qui était tirailléeentre la stabilisation de son unité et l'extension deson pouvoir. Il importait également d'ouvrir lespages de la presse allemande éditée jadis dans lescolonies du Reich pour mieux comprendre commentl'Allemagne, soucieuse aujourd'hui de prônerl'objectivité et l'information, a usé et abuséelle aussi de la propagande et de la désinformationpour transporter messages et images.De tous temps, Français et Allemands ont parléde leur voisin respectif, mais aussi de leur proprepays par comparaison au voisin. La commémoration,cette année, du 150e anniversaire de la mortde Heinrich Heine, né à Düsseldorf, décédé etinhumé à Paris, est l'occasion de mesurer le cheminparcouru par les deux pays dans la diffusionde messages pour une meilleure connaissancemutuelle et une approche critique de leurs relations.Les images également ont un rôle dominantdans l'information, subjective et objective,des populations. Plusieurs festivals, notamment laBerlinale, permettent de faire le point sur l'état ducinéma allemand – ou plus généralement du cinémaen Allemagne – et sur les messages qu'iltransporte de petit en grand écran.Les autres images de l'Allemagne attendues cetteannée sur l'ensemble de la planète sont celles de laCoupe du monde de football, qui se déroulerapendant un mois sur le sol allemand. C'est certesun sujet de prédilection pour les adeptes du sport,c'est aussi un phénomène de société et c'est surtoutl'occasion pour l'Allemagne – et pas seulementsur la pelouse des stades face aux équipesqualifiées – de se présenter au monde, telle qu'elleest et telle qu'elle souhaiterait être vue. UneAllemagne en crise, comme la plupart des payseuropéens ; une Allemagne en proie à de difficilesréformes, une Allemagne à la recherche de panacéessociales. Une Allemagne fédérale, qui s'apprêteà réformer jusqu'à son fédéralisme, sanspour autant vouloir copier le lourd centralisme dela France. Gérard Foussier