Villes sans frontières : Regards chargés d'Histoire

Mis à part peut-être le thème de l'Europe et dutexte constitutionnel refusé par les électeursfrançais en 2005, la politique étrangère n'a pasjoué un grand rôle dans la campagne électoralepour les présidentielles en France et la discrétiondu gouvernement allemand de la chancelièreAngela Merkel, présidente en exercice del'Union européenne jusqu'à fin juin, n'a pasdonné lieu à d'interprétations intempestives surl'avenir des relations franco-allemandes. La visiteà Berlin du nouveau président français estsûrement une indication symbolique des prioritésque Nicolas Sarkozy entend donner à sonaction pour les cinq prochaines années.L'attention portée en Allemagne à ces électionsavec des pages entières d'analyses et delongues émissions spéciales à la radio et à la télévision(y compris la diffusion en direct avec traductionsimultanée du débat télévisé) montreque la France ne laisse pas indifférents ses voisins,même si d'aucuns mettent sur le compte dela normalisation des rapports une banalisationde cette amitié historique. Cela traduit à la foisla fascination que portent les Allemands à unsystème électoral qu'ils ont parfois du mal àcomprendre et la crainte de voir un monarquerépublicain impensable chez eux remettre en jeules acquis de ses prédécesseurs dans la relationfranco-allemande. En fait, tout se résume à unequestion : qu'en est-il désormais de ce dialogue ?Il est certes encore trop tôt pour répondre avecprécision sans tomber dans les spéculations abusives.A priori, le pragmatisme devrait dominer,à l'image de ce que le gouvernement d'AngelaMerkel pratique depuis fin 2005 à Berlin.En ouvrant un dossier sur les villes et les communes,Documents apporte indirectement plusieursréponses à la question. Car au-delà desaccolades et des baisemains au plus haut niveaude l'État, la relation franco-allemande trouve eneffet sa concrétisation quotidienne auprès desentreprises qui, comme les chemins de fer nationaux,réduisent l'éloignement des villes entre lesdeux pays en prônant désormais non plus laconcurrence, mais la coopération des trains àgrande vitesse. La société civile participe elleaussi, à tous les échelons de la vie communale, àcet effort de coopération. Le dossier de ce numéroprésente quelques repères historiques quiassocient les villes dans un même souci d'autonomieet d'amitiés sans frontières. La Chansonde Roland et les statues qui lui sont dédiées enEurope sont autant de témoignages sur le rôle,l'importance et les velléités d'autonomie desvilles du Vieux Continent depuis Charlemagne.Deux jumelages exemplaires traduisent égalementles symboles qui rapprochent deux citésimpériales (Aix-la-Chapelle et Reims) et deuxvilles qui ont fait l'Histoire (Münster avec lasignature du Traité de Westphalie en 1648 etOrléans avec Jeanne d'Arc en 1429).Un accent particulier est mis au fil des pagesde ce numéro sur la ville de Berlin qui a retrouvéson statut de capitale en 1991 : les ressortissantsfrançais établis dans cette ville lui confèrentune connotation française sûrement uniquedans les communes d'Allemagne et la langueberlinoise a été largement influencée par leshuguenots français réfugiés à Berlin au XVIIIesiècle – aujourd'hui encore, les Berlinois parlentparfois « français » sans le savoir. Phénomèneculturel également : la création des salons berlinoispar des femmes à la fin du XVIIIe sièclemarque un tournant dans l'histoire de l'émancipationde la femme, mais aussi dans le rôle intellectuelque va jouer Berlin à cette époque dans lalittérature romantique avec le roman épistolaire.Phénomène anecdotique enfin : depuis plusieursmois, le zoo de Berlin a les honneurs de la presseinternationale grâce à un petit ourson polaire,qui rappelle aux linguistes que la ville de Berlindoit aussi son nom à cet animal. Gérard Foussier