Trente ans d'influence

Blum, de Gaulle, Mendès-France

Autor/Hrsg Auteur/Editeur: Crémieux-Brilhac, Jean-Louis; Boris, Georges
2010, Gallimard, Paris 2010, ISBN10: 2070127621

Dieses Buch jetzt bei Amazon.de ansehen
Dieses Buch wurde rezensiert in der Ausgabe: Dokumente/Documents 2/2010 

Voir ce livre sur Amazon.fr
Ce livre a fait l'objet d'un compte rendu de lecture dans le numéro : Dokumente/Documents 2/2010 

Rezension / Compte rendu:
Un grand résistant

Georges Boris était issu d'une famille juive, établie en Lorraine depuis des siècles, qui s'était enrichie dans le négoce et l'industrie. Grand, élégant, brun au regard très bleu, une noblesse innée du port et des propos. Exceptionnellement doué, il a été un lycéen puis un étudiant brillant qui se découvrira de surcroît ensuite le don des langues. Stendhalien sensible, orgueilleux timide, passionné de musique, c'est en réalité un jeune intellectuel que son père destine à le seconder et à lui succéder dans l'affaire familiale en l'envoyant s'initier aux arcanes du commerce au Brésil à Fortaleza. Il s'affranchit peu à peu de la pesante tutelle paternelle, épouse à vingt-trois ans une catholique, ce qui est sans précédent chez les Boris, jadis Baruch. Il passe deux années comme planteur d'hévéas en Malaisie. Ayant souffert de tuberculose dans sa jeunesse, il est réformé en 1908, à 20 ans.
Rendu à la vie civile en septembre 1919, on lui propose d'entrer au Quai d'Orsay, ce qu'il décline, non par coquetterie, mais parce qu'il est peu attiré par la carrière administrative. Son expérience de guerre aura contribué de façon décisive à sa formation d'économiste et lui aura donné le goût qu'il conservera toujours des contacts internationaux. Georges Boris apparaît quelque peu exigeant, sinon un peu intransigeant, au nom de la justice, de la raison et des droits de l'homme. C'est au nom d'une exigence morale aussi, qu'il se montrera sévère envers la France qui a livré le capitaine Dreyfus aux gémonies. Tout ceci le conduit par une pente presque naturelle, non sans être passé par la banque, à fonder un journal au titre éloquent « La Lumière, hebdomadaire d'éducation civique et d'action républicaine ». Il le crée avec ses fonds et y ajoute une librairie située en plein cœur du Quartier latin. A trente neuf ans, membre du parti socialiste et de la Ligue des droits de l'homme, il se jette dans la mêlée comme redresseur de torts pour tenter d'éduquer la nation à travers ses instituteurs. Il n'est pas antireligieux, mais il a été toujours hostile au catholicisme politique, de même qu'il redoutera, après la création de l'Etat d'Israël, le judaïsme politique. Foi républicaine et passion de la modernité l'animent.
Très tôt il fait preuve d'une grande lucidité face à Hitler. Lorsque le Führer rétablit le service militaire le 16 mars 1935, il en saisit toute la portée, craignant « tous ceux qui d'un côté comme de l'autre de la Manche tremblaient de voir leur pays s'engager... tous ceux qui espèrent assister en specta- teurs aux futurs conflits européens ». Il est ainsi un anti-munichois avant Munich. Lors de la crise des Sudètes il s'alarme : « Il n'y a pas de compromis et de négociations concevables que sur une ligne de résistance. Aux diktats de Munich succéderont d'autres diktats, le jour viendra où la France pour sauver son indépendance et ses libertés choisira de résister. Je voudrais être sûr que ce jour-là les deux mots résistance et paix soient synonymes. »
Georges Boris avait ouvert largement ses colonnes au lieutenant-colonel Mayer, cet ancien polytechnicien renvoyé de l'armée en raison de son dreyfusisme militant, lequel Mayer jouissait cependant d'un large prestige, il se fit l'apôtre non seulement de l'arme blindée, mais de l'utilisation de l'aviation, prévoyant, le premier, le « Blitzkrieg ».  De Gaulle s'en est bien souvenu à Londres en accueillant Georges Boris. Auparavant, le général avait repris largement les idées de Mayer dans son mémorandum de novembre 1939 dans lequel il préconisait la constitution d'un corps blindé soutenu par des escadres d'avions. C'était bien tard. La guerre survint. Georges Boris fit part à Léon Blum de sa volonté de s'y engager. Ce qu'il fit à l'âge de 51 ans. Il est évacué en Angleterre et rejoint ainsi parmi les premiers le général de Gaulle le 19 juin 1940.
Jean-Louis Crémieux-Brilhac fut le collaborateur durant des années de son héros, dont il dresse un portrait admiratif, profond, mais jamais empreint de complaisance. Comme Boris, il est issu d'une vieille famille juive, mais du sud, alors que celle de Boris est de Lorraine. L'auteur, fait prisonnier, s'était évadé d'Allemagne vers la Russie et avait rejoint Londres en septembre 1941. Jean-Louis Crémieux-Brilhac avait tous les atouts pour restituer la stature de Georges Boris dans sa vérité nue, pour la sortir enfin de son ombre. Car rien n'avait été écrit sur cet homme d'influence en-dehors d'une thèse universitaire pendant les années 1960.
D'emblée, Boris avait prévenu le général de Gaulle qu'il ne voulait pas que ses origines juives et le fait qu'il ait été directeur de cabinet de Léon Blum fussent un obstacle pour le ralliement à de Gaulle de maints chefs militaires de droite. De Gaulle n'avait jamais nourri de tels préjugés, il œuvrait pour la France dans sa richesse et sa diversité, au delà des divisions religieuses, partisanes. Boris est chargé de rédiger une plaquette d'information sur de Gaulle. C'est à cette occasion qu'ille trouve visionnaire. Le chef de la France libre lui dit que la guerre durera quatre ou cinq ans et qu'elle s'achèvera là où elle a commencé, sur les plages du Nord de la France ou du Cotentin. Son passé de journaliste vaut à Georges Boris d'être affecté au service d'information de « Carlton Gardens ». Puis il devient officier de liaison auprès de la BBC. Nombreux de ses amis socialistes, certains réunis au sein du cercle Jean-Jaurès à Londres, doutèrent jusqu'au bout des convictions démocratiques de de Gaulle, Boris les perçut d'emblée. Aussi un devoir s'imposa très vite à lui : rallier Blum à de Gaulle. Il s'y emploiera en lui dépêchant une longue missive dans laquelle il dresse un portrait perspicace et nuancé de l'homme, le premier en date qu'aient tracé une longue série de narrateurs. L'aura de Georges Boris, les contacts qu'il aura su nouer chez les Anglais et au sein de la France libre, son dévouement, la confiance qu'il inspire font qu'il sera nommé chef des services civils au sein du Commissariat de l'Intérieur. C'est de là que Boris fut chargé de financer et d'armer la Résistance, il mena la « Political Warfare », cette action ouverte, pendant indispensable de l'action clandestine. Il fut le chef des services secrets, épisodes émaillés de bien des péripéties et luttes intestines que relate par le menu le livre. Sur tous ces points, précisions, détails, remarques suggestives abondent. En janvier 1944, Winston Churchill convoque un Conseil des ministres exceptionnel à « Downing Street » pour y discuter de l'armement de la Résistance jusqu'alors par trop négligée.
Georges Boris prépare l'insurrection générale souhaitée par de Gaulle dès 1942, mais il a pour souci de ne pas lancer les maquisards trop tôt, afin de ne pas les exposer aux représailles allemandes. Une fois de plus il aura eu raison. Cet homme tourné vers l'avenir est un inquiet. Il a ressenti péniblement les divisions et les intrigues, il est anxieux au sujet de la France, il est inquiet pour son fils, qui bien que catholique est obligé de se cacher, anxieux pour son frère, l'intendant général qui continue de circuler dans Paris, l'étoile jaune sur la poitrine.
Eugène Berg

Georges Boris (1888-1960), ein nichtorthodoxer Jude und feinsinniger Schöngeist aus alter lothringischer Handels- und Industriellenfamilie, politisch weitsichtig und von Beginn an illusionslos gegenüber Hitler, engagiert sich an der Seite de Gaulles im Exil. Der überzeugte Republikaner, Mitglied der sozialistischen Partei, und wie Mendès-France (in London ab 1942) im Kabinett Blum, ist, publizistisch erfahren, u. a. für Information zuständig, als Ökonom schließlich auch für die Finanzierung und Bewaffnung der Résistance. 50 Jahre nach Boris' Tod legt Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Jahrgang 1917, ab 1941 in London und jahrelanger Weggefährte von Boris, ein überfälliges Porträt dieses großen Widerstandskämpfers vor- kenntnisreich bis ins Detail und ohne Anbiederung voller Bewunderung, so der Rezensent.
Red.

Dieses Buch jetzt bei Amazon.de ansehen
Voir ce livre sur Amazon.fr
Trente ans d'influence