Entre chiens et loups

Dérives politiques dans la pensée allemande du 20ième siècle

Autor/Hrsg Auteur/Editeur: Fuchs, Edith
2011, Le Félin, Paris 2011, ISBN10: 2866457110

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Rezension / Compte rendu:
Descente aux enfers

Wie groß war der Einfluss der Philosophie auf den Nationalsozialismus? Die Autorin untersucht die Werke der deutschen Denker.

Peut-on tenter de rattacher même indirectement l’exaltation kantienne de la loi au terrorisme du commandement hitlérien ou à la totalité réconciliante de l’Etat hégélien le totalitarisme génocidaire ? Edith Fuchs, dans une oeuvre solide, se place à l’intérieur du monde de la culture et plus précisément de celle-ci en tant qu’elle est et se prétend philosophie. Elle tente de disculper de toute responsabilité le grand rationalisme allemand dans la genèse et le développement de ce qu’on a appelé une « pensée », qui en réalité débordait largement celle-ci en n’étant qu’une barbarie totalitaire. Elle décrit les étapes de cette descente philosophico-culturelle aux enfers qui passe de Kant à Rosenberg, l’auteur raciste du « Mythe du 20e siècle » qui osait pourtant se qualifier de philosophe et de kantien. Or celui-ci n’a fait qu’asservir une pensée devenue pure propagande avant de se muer en un agir violent dominé par la passion inhumaine. Trois décrochages ont ainsi ponctué le tragique destin allemand de la philosophie. Le premier maintient la philosophie en elle-même, mais modifie son style en lui faisant accueillir dans son contenu et sa méthode l’énergie de la volonté et de la décision : Nietzsche et Carl Schmitt. Mais si le premier a introduit une rupture dans le style philosophique, il ne peut nullement, comme tant de fois on l’a pensé et écrit, figurer parmi les inspirateurs de la pensée nazie. C’est sa soeur Elisabeth Förster Nietzsche et son époux Bernhardt Förster, qui, on le sait, ont oeuvré avec malhonnêteté pour la déification nazie de leur héros. Dans le deuxième abandon on se déleste de l’intention première de penser pour penser, pour une simple « Weltanschauung » mise au service d’une finalité pratique en fait particularisante et arbitrairement absolutisée. Ainsi se développerait une idéologisation de la philosophie dont « L’idéologie allemande » de Marx semble bien pouvoir être regardée comme étant elle-même un moment une idéologisation de la pensée. C’est surtout à travers du déclin de l’Occident de Spengler que se développe ce deuxième décrochement de la pensée, au travers de ces autres faussaires droitiers de la culture que furent les si médiocres Schuler, Blücher et autre Paul de Lagarde. Avec la troisième étape, celle de Rosenberg, et des autres propagandistes nazis, c’est l’apparence même d’une pensée serve qui est abandonnée au profit d’une réalité criminelle. Refus de l’universalité humaine, adhésion au    « Führerprinzip », qui en particulier fait dériver le droit de la volonté du       « Führer », adhésion à la notion et aux pratiques de la guerre totale, impérialisme racial, tout ceci ne peut guère avoir rapport avec la philosophie, sauf à estimer que la philosophie n’est qu’un mot vide. Edith Fuchs se situe dans la lignée de Franz Neumann qui dans « Béhémoth, Structure et pratique du national-socialisme », paru chez Payot en 1987 avait soutenu la thèse qu’« aucune philosophie n’est responsable du national socialisme ». Pour preuve, Löwith a montré que tous les penseurs ou pseudo-penseurs qui ont influencé le nazisme ne se référaient nullement à la tradition universitaire, ces hommes agissaient en solitaires. Le ton prophétique et profond de la propagande ne plagie pas la philosophie, mais ses parodies et les faussaires qui l’ont précédée. Reste l’immense « cas Heidegger ». Ou bien on a à faire à un philosophe, et, comment le nier, son nazisme devient alors un épisodebiographique et circonstanciel. Ou bien il était nazi esprit, corps et âme, et dans ce cas comment son oeuvre pourrait être à l’abri ? Edith Fuchs pose la question, mais ne semble pouvoir réellement y répondre. Toujours est-il qu’en revisitant tour à tour Nietzsche et Carl Schmitt, Spengler et Rosenberg, Marx et Hannah Arendt, elle nous conduit à des hauteurs que tout lecteur ne fréquente pas aisément, mais desquelles il peut percevoir mieux la vie de la pensée. Mais, prévientelle, attention de ne pas confondre pensée et savoir, pensée et action, sous peine de retomber dans maints travers.
Eugène Berg

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