Das deutsche Europa

Neue Machtlandschaften im Zeichen der Krise

Autor/Hrsg Auteur/Editeur: Beck, Ulrich
2012, Suhrkamp, Berlin , ISBN10: 3518062867

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Rezension / Compte rendu:
« Merkiavélisme »
Un ouvrage sur la politique de l'hésitation

Le sociologue allemand Ulrich Beck consacre une grande partie de son dernier ouvrage à développer ce qu'il appelle le « Merkiavellismus »                            (le « merkiavélisme »). Cette formule vient d’une contraction entre Merkel et Machiavel et caractérise le mode d’exercice du pouvoir par la chancelière Angela Merkel.

Si l'on relit l'oeuvre de Nicolas Machiavel, « le prince ne doit tenir sa parole donnée hier que si elle peut lui apporter des avantages ». Transposée à l'époque actuelle, cette maxime signifie qu’« il est possible de faire aujourd'hui le contraire de ce que l'on a annoncé hier, si cela augmente les chances de gagner les prochaines élections ». Et justement, Angela Merkel est candidate à sa propre succession pour briguer un troisième mandat après les élections du 22 septembre 2013. C'est dans cette perspective électorale qu'Angela Merkel a su « saisir l'occasion pour modifier les relations de force en Europe ». Considérée par certains comme « la reine non couronnée d'Europe », elle tient sa force de son hésitation à agir, tout au long de la crise, mais aussi de sa capacité à changer d'avis par opportunisme politique interne, comme en témoignent les exemples de la sortie du nucléaire ou encore l'acceptation des euro-bonds. Selon Ulrich Beck, le « merkiavélisme » repose sur quatre composantes destinées à s'auto-renforcer.
Premièrement, au cours de la crise, alors que les pays européens réfléchissaient à une aide à accorder aux pays endettés, Angela Merkel n'a pas adopté un oui ou un non franc mais plutôt un « mouais ». Elle a ainsi veillé à ne privilégier ni les « architectes de l’Europe », partisans d'un renforcement de l'intégration européenne (qui réclamaient des garanties allemandes), ni les « souverainistes », opposés à davantage d'intégration et plutôt favorables à un renforcement des prérogatives nationales (qui s’opposaient à toute aide). Elle s'est laissé les deux options ouvertes et a préféré conditionner l'octroi de crédits « à la disposition des pays endettés à accepter les conditions de la politique allemande de stabilité ».
Deuxièmement, alors que pour faire accepter sa position, le prince doit, selon Machiavel, « faire preuve de vertu, d'énergie politique et de pugnacité », dans le cas du « merkiavélisme », on a plutôt assisté à de nombreuses tergiversations : « le pouvoir de Merkiavel repose sur le désir de ne rien faire, sur son penchant pour le ne-pasencore-agir, à agir plus tard, à hésiter ». Ulrich Beck ajoute : « Cet art de l'atermoiement sélectif, ce mélange d'indifférence, de refus de l’Europe et d'engagement européen est à l'origine de la position de force de l'Allemagne dans une Europe malmenée par la crise ». Angela Merkel a su perfectionner cette domination contre son gré, en pratiquant une politique de l'hésitation, et l'Allemagne est devenue une puissance hégémonique en Europe grâce à sa puissance économique, et non par les armes.
Troisièmement, Angela Merkel a réussi « la quadrature du cercle, à savoir réunir en une seule et même personne la capacité à être réélue dans son propre pays et à passer en même temps pour une architecte de l’Europe ». En effet, selon les derniers sondages, la CDU devrait sortir vainqueur du prochain scrutin fédéral, sans pour autant être en mesure de gouverner seule. Un gouvernement de coalition est donc à prévoir, peut-être avec le SPD. Selon Ulrich Beck, dans le « système Merkiavel », « toutes les mesures nécessaires au sauvetage de l'euro et de l'Union européenne doivent d’abord réussir leur test d'aptitude à l'intérieur des frontières allemandes » et donc « être propices aux intérêts de l'Allemagne et à la position de force de Merkel » : c'est ce qu'a parfaitement réussi à faire la chancelière. Pour faire accepter sa politique, Machiavel s'interroge, et se demande s'il est préférable d’être aimé ou d'être craint : « La réponse est qu'il faudrait l'un et l’autre, mais comme il est difficile d'accorder les deux, il est bien plus sûr d'être craint qu'aimé, si l'on devait se passer de l'un deux ». Appliqué à Angela Merkel, cela signifie qu'« elle veut être crainte à l'étranger et aimée dans son pays », ce qui passe par la formule « néolibéralisme brutal à l'extérieur et consensus teinté de social-démocratie à l'intérieur ». C'est ce qui lui a permis de faire accepter sa politique et ce qui lui a permis de renforcer sa position de force et celle de « l’Europe allemande ».
Quatrièmement, Angela Merkel veut « imposer à ses partenaires ce qui passe pour être une formule magique en Allemagne au niveau économique et politique : économiser au service de la stabilité ! ». Mais il s'agit « d'un néolibéralisme d'une extrême violence [coupes claires au niveau des retraites, de la formation, de la recherche, des infrastructures , etc.], qui va maintenant être intégré dans la Constitution euro péenne sous la forme d'un pacte budgétaire sans faire cas de l'opinion publique européenne (trop faible pour résister) ». S'il est vrai que les derniers sondages Eurobaromètre montrent un déclin des attitudes favorables à l'Union européenne , la mon naie unique, directement concernée par le pacte budgétaire, reste néanmoins l'objet d’un soutien majoritaire dans l'Union et même très majoritaire ( aux deux tiers) dans la zone euro. Outre ces quatre composantes qui constituent le « noyau dur » de l’Europe allemande, Angela Merkel a su trouver la « sit uation d'urgence à l aquelle le prince doit être capable de réagir : l'Allemagne comme 'aimable hégémon' se voit contrainte de placer ce qui résulte d'un danger au-dessus de ce qui est interdit par les lois ». Et Ulrich Beck précise : « Pour élargir à toute l'Europe, et de façon contraignante, la politique d'austérité de l’Allemagne, les normes démocratiques peuvent, selon Merkiavel, être as souplies ou même contournées ». Les décisions ne so nt donc pas prises démocratiquement, mais sont le résultat d'une puissance économique.

Le franco-allemand contre le « merkiavélisme » ?

Toutefois, le « merkiavélisme » touchera it peu à peu ses limites, « car il faut bien reconnaître que la politique d’austérité allemande n'a pour l'instant enregistré aucun succès . Au contraire : la crise de l’ endettement menace maintenant aussi l'Espagne, l'Italie et peut-être même bientôt la France ». Un contre-pouvoir pourrait ainsi voir le jour pour trouver une alternative à la politique de la chance lière « souve nt très populis te, surtout ax ée sur les seuls intérêts alleman ds et motivée par la peur de l'inflation ».
A son arrivée à la présidence de la République française en mai 2013, François Hollande avait tenu à remettre la croissance au coeur de l'Europe, se rapprochant alors des pays du Sud de l'Europe, notamment l'Italie et l'Espagne. Mais il n'a pas souhaité pour autant affronter la chancelière et a finalement jugé plus utile de parvenir à un compromis. Dans la perspect ive du Conseil européen de fin juin 2013, la France et l’Allemagne avaient ainsi présenté le 30 mai une « contribution commune pour renforcer l'Europe de la stabilité et de la croissance », reprenant ainsi les deux termes chers aux deux pays. L'austérité ne pouvant être la seule politique en Europe, les deux pays avaient bien compris l'intérêt pour tous les Etats membres de trouver un équilibre entre la relance et la croissance prônées par François Hollande et la stabilité et la compétitivité préconisées par Angela Merkel.
On a souvent dit que si l'Allemagne et la France parvenaient à se mettre d'accord, alors un accord pourrait être trouvé à l’échelle européenne. C'est sans doute encore le cas ici. Les deux pays savent qu’ils ont besoin l'un de l'autre : l'Allemagne ne veut pas jouer le rôle de la puissance hégémonique en Europe, et voit donc dans la France un contrepoids utile. De son côté, la France ne veut pas se laisser « distancer » par son partenaire allemand, considéré jusqu'à présent comme son égal. Pourtant, des divergences importantes existent : l'Allemagne trouve que son partenaire tarde à mettre en oeuvre les réformes structurelles nécessaires pour retrouver la voie de comptes publics équilibrés et de la croissance. De son côté, la France souhaiterait que l'Allemagne accepte davantage de mesures pour aider les pays endettés. Mais la foi de la chancelière allemande et du président français dans la construction européenne comme solution à la crise reste intacte, même si les modalités de résolution divergent.
Fin 2012, Angela Merkel avait prôné l'union politique, sans en définir précisément le contenu, prônant ainsi une évolution vers davantage de fédéralisme ; François Hollande se contente lui de parler de gouvernement économique européen, expression utilisée depuis longtemps par les responsables français. Si sa concrétisation a été très longue, en raison notamment des réserves de l'Allemagne sur cette question, les deux pays sont désormais favorables à une présidence à plein temps de l'Eurogroupe, dotée de compétences renforcées. Les deux pays, avec leurs partenaires européens, parviendront-ils désormais à se mettre d’accord sur le concept « d’union politique », qui permettrait de renforcer l'intégration européenne et de disposer immédiatement, à l'avenir, des outils nécessaires à la résolution d'une crise telle celle traversée actuellement par l'Union européenne?
Mathilde Durand

"Merkiavelli"
Der Soziologe Ulrich Beck glaubt im politischen Handeln Angela Merkels Maximen aus Niccolò Macchiavellis "Der Fürst" zu erkennen – weshalb er in seinem in Deutschland und Frankreich erschienenen Buch vom "Modell Merkiavelli" spricht. Es bestehe aus vier sich wechselseitig verstärkenden Komponenten, die den Machtkern des "deutschen Europa" bildeten: die Verknüpfung von Nationalstaatsorthodoxie und Europa-Architektur, die Kunst des Zögerns als Disziplinierungsstrategie, das Primat der nationalen Wählbarkeit sowie die deutsche Stabilitätskultur. Die Entscheidung über Sein oder Nichtsein Europas, so Mathilde Durand vom Institut Jacques Delors Notre Europe, die Ulrich Becks Thesen vorstellt, hänge – wieder einmal – vom Zusammenspiel Deutschlands und Frankreichs ab.
Red.

Eine zweite Natur
"Paradoxerweise ist der Erfolg der Europäischen Union zugleich ein Grund für ihre mangelnde Wertschätzung. Viele ihrer Errungenschaften sind den Menschen so selbstverständlich geworden, dass sie diese wahrscheinlich erst dann bemerken würden, wenn sie einmal nicht mehr existieren. Man stelle sich vor, die Passkontrollen an Grenzen und Flughäfen würden wieder eingeführt; es gäbe nicht überall verlässliche Lebensmittelvorschriften, keine Meinungs- und Pressefreiheit (die Ungarn heute nicht achtet, weshalb sich das Land einem strengen Blick aussetzt); es wäre nicht möglich, ohne große bürokratische Hindernisse Studentenjobs in Barcelona oder Avignon anzunehmen; man müsste bei Reisen nach Paris, Madrid oder Rom wieder Geld umtauschen und sich Wechselkurse merken. Die 'Heimat Europa' ist uns zur zweiten Natur geworden, und gerade das könnte ein Grund sein, weshalb wir sie so leichtfertig verlorengeben."
Aus: Ulrich Beck, Das deutsche Europa. Neue Machtlandschaften im Zeichen der Krise. Suhrkamp, Berlin, 2012, 80 Seiten ; paru en français sous le titre Non à l'Europe allemande, Vers un printemps européen ? Autrement, Paris. 2013, 144 pages.

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Das deutsche Europa