Rezension / Compte rendu:
Amour ou chambre à part ?
Il y a d'autres manières d'aborder l'Europe. Sylvie Goulard, cosignataire du document publié par le Groupe Eiffel Europe, a choisi de bannir le caractère austère de ses positions dans un livre sur l'Europe, intitulé Amour ou chambre à part ?, dans lequel elle tire un signal d'alarme pour mettre fin à l'indifférence et au mépris « qui entourent la construction d'une démocratie supranationale, fondée sur un parlement élu au suffrage universel direct ». Sylvie Goulard sait de quoi elle parle, elle est membre de ce parlement de Strasbourg, réélue en mai 2014 avec l'étiquette MoDem et une réputation qui dépasse les contraintes politiciennes.
Le ton de son livre est plaisant, parfois décapant aussi, sans ambages en tout cas, dès lors qu'il s'agit de dénoncer ces gouvernements nationaux qui « plaident pour la démocratie sans la pratiquer effectivement » – exemples à l'appui qui démontrent que les chefs d'Etat et de gouvernement ont étendu leurs pouvoirs au détriment des institutions communes. Ennuyeuse, l'Europe ? Oui, affirme l'euro-députée, qui estime que les Européens sont finalement devenus eurosceptiques, car tenus à l'écart des décisions qui les concernent. Chambre à part, donc. La faible participation au scrutin du mois de juin 2014 semble lui donner raison. Et le succès relatif des extrêmes semble bien apporter de l'eau au moulin de ceux qui, comme Sylvie Goulard, dénoncent non pas l'Europe (ou l'euro), mais la gestion « intergouvernementale » de cette Europe mal aimée, « théoriquement européenne mais nationalement élue ». Avec un sens aigu de la formule, la députée écrit, tout en soulignant les progrès enregistrés depuis l'extension des pouvoirs du parlement de Strasbourg, que « l'Europe des Etats a mis l'Europe dans un sale état ». La liste des critiques est longue : un système institutionnel inefficace et complexe marqué par des prises de décision à l'unanimité ; une « aberration démocratique » de voir un président de la République siéger au Conseil européen, alors que la Constitution de la France prône la souveraineté et l'indépendance ; ou encore ces députés élus à Strasbourg, car ils ont échoué à Paris (il y asûrement des exemples semblables dans d'autres  pays de l'Union). Au-delà des critiques et des polémiques, que Sylvie Goulard veut constructives, son livre est un vibrant appel à la construction européenne, indépendamment des horizons purement nationaux.
Gérard Foussier

Malentendu franco-allemand
« La France a un rôle particulier à jouer car la Communauté européenne a été imaginée dans ce pays (Monnet, Schuman) et que nous nous trouvons à la charnière entre le Nord et le Sud. Si l'Europe des Etats se consolide, elle paiera très cher son décrochage avec l’Allemagne qui exercera seule le leadership.
La demande allemande de contrôle accru des décisions européennes est parfaitement légitime; nous devrions accepter le degré d'exigence allemand, au niveau européen ; mais il serait gravissime de laisserles instances allemandes (Bundestag, Cour constitutionnelle, Bundesbank) l'assurer pour lecompte de l'Europe.
Une partie du malentendu franco-allemand consiste, pour les Français, à craindre le retour de l'Allemagne totalitaire et instable d'avant guerre, et pour les Allemands, à redouter la destruction de l'Allemagne, démocratique et stable, d'après-guerre.
Les Français ont peur du fédéralisme. Craignent-ils le mot ou la chose ? Ce n'est qu'un mode d’organisation politique adapté au gouvernement d'ensembles complexes. Le concept de 'République européenne' qui commence à se développer, serait plus adapté. »
Extrait du livre de Sylvie Goulard