Rezension / Compte rendu:
Traditions et nouvelle identité

Dès son avant-propos, Alfred Grosser traduit bien son malaise quant à la généralisation que suppose le titre – « les » Allemands. Car la question qui se pose n'est pas tant de savoir qui  « ils » sont, mais à qui appartiennent les valeurs de cette collectivité morale, sur laquelle l'Allemagne a été fondée, alors que tous les autres Etats européens ont été fondés sur l'idée de nation. Claire Demesmay, chercheur à l'IFRI, et Hans Stark, secrétaire général de cette Institut français de Recherches Internationales, font remarquer que      « pour les Allemands plus que pour tout autre peuple, le poids de l'Histoire a également une influence sur la perception de la nation. » Les nombreuses contributions de cet ouvrage sont de fait regroupées autour de quatre chapitres essentiels du débat traditionnel qui accompagne généralement les interrogations sur l'Allemagne contemporaine : à savoir le poids du passé dans le présent, le concept de nation, les traditions en question et la politique étrangère en quête de normalité. Autant d'éclairages, qui s'ils ne pas toujours nouveaux, ont le mérite de regrouper les réflexions d'actualité et de mieux cerner cette Allemagne du changement, qui analyse et scrute ses traditions et sa société dans un contexte de mondialisation.
Quel changement ? Plusieurs auteurs font justement remarquer que dans les domaines directement liés à l'identité, comme la religion et la culture, les héritages s'accompagnent de plus ou moins de résistances à ce changement. Certaines traditions semblent immuables et c'est tout l'intérêt de l'ouvrage que de proposer des explications historiques et sociales à ce phénomène dans un contexte international qui a profondément évolué depuis la chute du Mur de Berlin et celle de l'Union soviétique. Mais si avec l'unification du pays en 1990, l'Allemagne a définitivement fermé l'épisode de la Seconde Guerre mondiale et parachevé le processus de réconciliation avec l'Ouest, amorcé par le premier chancelier, Konrad Adenauer, la fin de la division de l'Allemagne (et de l'Europe) a été paradoxalement complétée par la réémergence d'un passé largement occulté depuis la fin de la guerre. Le livre rappelle que dans les années 90, l'Allemagne unifiée « s'est retrouvée à cheval entre une Europe de l'Ouest en cours d'unification et une Europe de l'Est en pleine fragmentation et recomposition ». A défaut de puissance, l'Allemagne retrouvait son importance grâce à une réorientation qui fait que « les flux économiques entre l'Allemagne et l'Europe centrale ont progressé depuis 1989 au point d'équivaloir à ceux entre l'Allemagne et la France ».
Gérard Foussier